le Monde de Mathusa

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Dans la maison où je suis mort  

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Dans la maison où je suis mort  
 

  

Dans la maison où je suis mort,   
J'ai contracté la vie.  
Tare héréditaire  
Alourdissant mes jours.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai découvert la Terre,   
Adopté le Soleil  
Et endossé le ciel.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai nagé dans la mer,  
Sondé les océans  
jusqu'aux profonds abysses.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai gravi l'Everest,  
Le Kibo*, le Mont Blanc  
Et l'Aconcagua.  
 
Dans la maison où je suis mort  
J'ai touché au mouvement,  
A la marche hésitante,  
A la course éperdue.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai connu tout cela,  
Appris à le comprendre  
Dès bien avant "adulte".  
  
Avant j'étais la vie, je venais d'une étoile  
vif comme l'éclair, je traversais l'espace.  
Léger telle une plume au gré du vent qui passe,  
je marquais mon époque d'un tiret sur la toile.  
  
Avant je n'étais rien et tout en même temps.  
Un atome incongru et une galaxie;  
Une larme d'amour par un baiser surpris,  
Le Graal en récompense d'une étreinte à deux temps.  
 
Je venais d'une union, d'une suprême alliance.  
D'une histoire d'amour, des mille et une nuits.  
D'un torrent déchainé dans les remous d'un lit  
Où j'étais invité, jouant de transparence.  
 
Cerise sur le gâteau, comme un roi sur son trône,  
J'essuyais des regards emplis d'admiration.  
De péchés pardonnés en actes de contrition,  
J'étais un Jupiter qui tance et qui ordonne.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai chargé mon tombeau  
De mon identité.  
Ephémère présence.  
   
Dans la maison où je suis mort  
Je me savais l'élu,  
Maître des grandes œuvres  
Et l'idiot du village.  
  
Dans la maison où je suis mort  
J'avais tout, j'avais rien,   
je n'avais pas conscience,  
De ce que je faisais.   
  
Dans la maison où je suis mort  
Je rêvais d'obtenir  
Une herbe inexistante  
Qui croissait dans l'ailleurs.  
 
Dans la maison où je suis mort,  
J'ai compris tout cela  
Et j'y ai mis du temps,  
Le temps d'une évidence.  
 
Aux cimes des montagnes à la blanche saison,  
Alors que le compas arrive en fin de course,  
Je range mes stylos, mes cahiers et ma trousse   
Pour m'en aller rêver aux pieds des frondaisons.  
 
De la maison où je suis mort, je garde la mémoire  
De merveilleux visages, de délicats moments,  
D'un beau panier garni de mille sentiments  
Qui m'offraient des instants en plaisirs et déboires.  
  
A l'heure où je me sens gêné aux entournures,  
Après avoir connu du déclin, ses atours,  
J'aimerai embarquer dans l'arche des amours.  
Celle qui ne peut flotter que sur un onde pure.  
  
Demain il fera jour, le jour d'une autre histoire.  
Elle me fera tomber de Charibde en Scylla,  
Retrouver le pays du miel et du trépas  
Où tout ce qui se meut découle d'illusoire.  
  
©Georges Gabriel  
 
* Kibo ( Le Kilimandjaro) 


12/05/2020
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