le Monde de Mathusa

Entre peine et raison 
 


L'almanach est ouvert quand novembre apparaît. 
La tristesse est de mise dans les yeux ruisselants.  
Une vie qui s'étiole comme un soleil couchant  
Fait place nette à la nuit, à un linceul tiré. 

Novembre est un passage, un trou noir, une absence. 
Un Éole endiablé qui souffle sur les braises.  
Un poids pour chaque cœur, l'a pic d'une falaise,  
Et l'esprit fatigué d'une vie sans clémence. 

Les bons s'en sont allés, les méchants dans le deuil.  
A l'André attendu novembre est litanie.  
La raison en détresse se cherche un alibi.  
Dans les tombes en terre à l'autre bout du seuil. 

Le char aux trépassés s'ébranle sous frimaire  
Pour qu'à l'heure venue, le défunt plie bagages.  
Temps au beau, jours de pluie, vent violent et orages  
Emportent le cortège du berceau au calvaire. 

On ne peut constamment se passer de démons.  
Il y a d'autres lieux, d'autres temps, d'autres gestes,  
Pour modifier l'aspect, passer une autre veste,  
Et retrouver d'un trait les joies de la saison.  

Au pied des salicaires le petit ru fredonne.  
La truite vagabonde s'amuse du courant.  
Une bergeronnette dans son trille mordant   
Égaye le décor, se prélasse et chantonne. 

Dans le verger voisin l'orange est au délire.  
Une grèbe huppée picore le gingembre.  
Tout n'est pas au silence en ce mois de novembre  
Car même le tétras fait dégourdir sa lyre.  

Blettes et brocolis donnent saveurs aux plats.  
En approche de fêtes le bœuf se met en daube.  
La truite se pavane dans sa nouvelle robe,  
Lorsque le petit gris se déguste en en cas. 

C'est ainsi que Novembre épouse sa trentaine.  
Il est un indécis souvent indélicat.  
Passant du survoltage au tensiomètre plat,  
Éclaireur de l'hiver courant la prétentaine.  

Novembre est à la vie, tout comme un trait d'union.  
Archange Gabriel annonçant la tristesse.  
Le monde a bien saisi cette indélicatesse,  
Plaçant notre présent entre peine et raison. 

Georges Gabriel