Le Grand Saint Antoine
Le grand Saint Antoine
Le navire maudit
Il était une flûte, un vieux trois-mâts carré,
Parti pour le Liban embarquer des étoffes.
C’est sur ce vieux rafiot, que naquirent des strophes
A tout jamais gravées au cœur des marseillais.
Jean-Baptiste Chataud, haranguait ses marins.
Poussé par le mistral, comme mu par un ressort,
Le navire s’écarta des anses du vieux port.
Il retouchera terre, un tout prochain matin.
-"Le vent adonne, hissez les voiles, Matelots mes amis,
Activez les agrès, tirez sur les haubans,
Fermez les écoutilles, filons avec le vent,
Mettons cap à l'Orient, direction Tripoli. -"
Au glorieux temps d’avant, dans la marine à voile,
Tout matelot vibrait à l‘appel de la mer.
Qu’importe si sur les flots manquait le moindre amer,
Il retrouvait sa route, se fiant aux étoiles.
Après avoir doublé les tours du Lacydon
Notre Grand Saint Antoine pris le large, à bâbord.
Le vieux gréement grinçait, il hurlait à la mort,
En traversant les flots du Golfe du Lion.
Le trajet de l’aller se déroula sans peine.
Tout un chacun vaquait à ses occupations.
Par moment les dauphins aidés par l’aquilon
Exposaient en riant, leurs voltiges aériennes.
Une dernière bordée, touchant à l’arabesque
Le port de Tripoli lui offrit son mouillage.
Tout juste retenue aux bittes d’amarrage
La flûte s’endormit sous des flonflons mauresques.
Le capitaine furieux, tout comme un ours en cage,
Tournait tel un damné, pensant à ses soieries,
Craignant un accident ou une épidémie,
Urgea pour embarquer, pour quitter le mouillage.
A vouloir trop filer, il perdit vigilance,
Obtint en insistant l’aval de la médecine.
Celle-là même chargée du respect des consignes,
Trompée à son insu par cette curieuse urgence.
Un voyageur monta sans qu’il fût inquiété
Les marchandises hissées rêvaient à fond de cale.
Tout se trouva rangé des étoffes et leurs malles.
Et le bateau cingla vers l'Ouest, vers Phocée.
C’est peu de temps après que le drame survint.
Le passager monté au port de Tripoli
Succomba sous les coups d’un puissant ennemi,
Insidieusement invisible assassin.
Sept marins à leur tour s’endormirent à la mort.
Nul ne pouvait stopper le doigt de la disgrâce.
Les intérêts en jeux poussèrent les rapaces
A gommer l’incident sur le livre de bord.
Notre Grand Saint Antoine malgré les apparences
Parvint à toucher terre, aux abords de la ville.
Les soieries déchargées, la mort et sa faucille
Essaimèrent la peste sur toute la Provence.
Impuissante, inutile par le fait accompli,
L’autorité opta pour brûler le navire.
Il a fallu trois ans pour vaincre le délire
Et effacer les traces de cette tragédie.
Tout cela pour l’appât du gain que des crapules,
Cousues d’or et d’argent ramassés sous les tables,
Pour le seul bénéfice d’une poignée de notables
Se déchargèrent d’un trait, du moindre des scrupules.
Cette histoire a eu lieu en dix-sept cent vingt.
Marseille connut ainsi ses heures les plus noires.
Il ne faut pas grand-chose à des bandits notoires,
Pour faire couler le sang, tout comme du mauvais vin.
C’est aux morts de l’époque et à leurs descendants
Que j’offre ce poème, ce récit attristant.
On n’oubliera jamais l’horrible sacrifice,
Qui tel un maléfice,
Décima en dix jours une génération.
Georges Gabriel
La peste à Marseille
Du 25 mai au 4 juin 1720
100000 personnes touchées, 54000 morts, le 1/3 de la population de la ville à l’époque.
http://mathusa.clicforum.fr/t3870-La-Peste-de-Marseille-en-1720.htm?q=peste
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