le Monde de Mathusa

Réincarnation

Le jour où je quittais l’asile de mon père,
Je me suis retrouvé au sein d’un contingent.
Nous étions fort nombreux, à quitter notre terre,
Pour aller conquérir un autre firmament.

Tout comme l’oisillon je m’éjectais du nid,
Me laissant choir d'un trait dans une nuit profonde.
Mon instinct me guidait sur un rayon de vie,
Glissant tel un tétard, au beau milieu de l’onde.

Je ne connaissais pas le but de mon voyage,
J’ignorais tout du port qui allait m’abriter.
Pour ne pas m’égarer, je n’avais qu’une image
Avec laquelle j’étais divinement lié.

C’était celle d’une femme, à vrai dire une enfant.
Elle s’ouvrait à la vie telle une fleur éclose.
Je m’avançais vers elle l’esprit déliquescent,
Comme le papillon dans le cœur d’une rose.

Elle m’offrit son sein, m’accueillant sur sa couche.
Là où battait son cœur se trouvait mes quartiers.
Un doux « Merci » soyeux, s’échappa de sa bouche,
Cela me fit comprendre que j’étais accepté.

Et ainsi chaque fois l’histoire se répète.
Des « cœurs à cœurs épris », des « toi à moi radieux ».
J’ai plus de souvenir dans le fond de ma tête
Que de fils délicats en guise de cheveux.

Comme avec les saisons, les arbres refleurissent.
Une feuille s'éteint, une autre s'illumine.
Mon esprit dans sa joie retrace des esquisses
Par de nouveaux visages, vers qui je me destine.

Et maintenant me dis-je, Combien de fois encore
Me faudra-t-il plonger au cœur de la fournaise ?
Quel chemin dois-je prendre pour modifier le sort
Qui dirige ma vie, mes envies et mes aises ?

Et voilà que demain une aventure brève
Va me remettre en quête d’une nouvelle histoire.
Je trouverais l’amour, j’accomplirais mes rêves.
Et je disparaîtrais en proie au désespoir.

Que cela ait une fin est le moindre des vœux.
A trop vouloir attendre, on se retrouve vieux.
Avec un flot de larmes dans le fond de nos yeux.

Dis-moi, qu’à Dieu ne plaise, soupèse mes émotions.
Je suis las du chemin, de mes résurrections.
Permets moi de choisir mes réincarnations!

©Georges Gabriel